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17 Oct

Fillon au front ?...Y a -t-il manipulation?....un excellent billet à lire

Publié par RIC ET RAC  - Catégories :  #DESSIN POLITIQUE

Quand Paris-Match envoie Fillon au Front…
Vendredi 15 octobre 2010
Par Olivier Beuvelet

Heureux qui comme Fillon va retrouver Pénélope…

Montrer le premier ministre en tenue printanière (photo de mai 2007), se promenant tranquillement dans la douceur du clos de son manoir angevin, aux côtés de sa fidèle épouse anglaise et de son fidèle setter irlandais, voilà qui est donner une belle image de la retraite telle qu’on la rêve en France… Après une dure vie de labeur, revenir, encore jeune, vivre entre ses proches le reste de son âge… Beau pied de nez à la réforme !

Depuis jeudi 14 octobre, l’image fleurit sur les kiosques et sur les murs de la capitale et de tout le pays qui s’apprête à vivre une grande journée de manifestations demain et probablement une seconde mardi encore… Alors que les lycéens se font entendre tous les jours… et que le ton monte de part et d’autre… De quoi attiser la colère et offrir une belle effigie à la créativité contestataire… On imagine les paroles et les moqueries que cette Une déployée dans l’espace urbain va s’attirer… Voilà la cible ! nous dit Paris-Match. Cet homme qui affiche son bonheur de futur jeune retraité …

Car ce n’est pas qu’au niveau du feuilletage du magazine, comme seuil de la lecture distraite des nouvelles légères qu’il distille, que cette Une a une efficacité, c’est au niveau de la rue. La Une est une image qui agit comme une affiche, elle constitue en soi un message, et un message public qui inonde l’espace public de la rue. Comme ces publicités que certains détournent ou abîment, les Unes sont affirmatives et intrusives, elles délivrent parfois un message très différent de celui qui est présent dans les pages du magazine, comme nous l’a montré André Gunthert ici. Elles constituent, indépendamment du magazine lui-même, une entité autonome dont le pouvoir s’exerce sur des regards involontairement saisis, elles saturent l’espace urbain et font naître un discours intérieur chez le badaud… Tiens encore lui ! Ah, il a l’air malin la tête en bas ce crétin ! Oh, la ils y sont allés un peu fort !

Au moment où il se fait discret et attend que l’orage passe, alors que la réforme des retraites est surtout portée par Sarkozy et sa garde rapprochée, François Fillon se retrouve placardé en Une d’un  magazine qui appartient au groupe Lagardère, proche de la présidence comme on le sait, dans une posture people insouciante et pour le moins provoquante. Libération. fr, un blog du monde.fr, et le post.fr s’interrogent à juste titre sur l’oportunité et les vraies raisons de cette Une qui reprend une photographie de mai 2007 que les conseillers de Matignon considéraient comme la seule concession faite par le premier ministre aux exigences bling bling de la vie politique de l’ère Sarkozy… Matignon s’indigne d’ailleurs de cette utilisation anachronique et particulièrement malvenue… Surtout que le sous-titre “sereins en pleine tourmente” au-dessus de cette image ancienne est particulièrement trompeur et ressemble à une vraie provocation…

De là à y voir un coup illustrant parfaitement la manière dont fonctionne l’imaginaire Sarkozyste, il n’ y a qu’un pas… que je franchis allègrement.

(Il ne s’agit pas de dire que cette Une est le fruit d’une demande d’un conseiller de l’Elysée… on ne le saura jamais et ce n’est pas important de le savoir… Il est évident qu’elle sert les intérêts de la présidence et comme elle relève d’une manipulation d’image ancienne et gêne Matignon qui communique négativement à son sujet, il est clair que cette opération, venant d’une entreprise proche de Sarkozy, peut raisonnablement être considérée comme un coup médiatique contre Fillon.)

Cette manipulation avérée de l’image de François Fillon à des fins politiciennes, témoigne d’une sorte de principe d’équivalence de l’image et de la réalité qu’elle représente, qui est selon moi au coeur des croyances qui fondent le sarkozysme. Comme on a pu le constater en diverses occasions, et André Gunthert le rappelait encore au sujet de la visite faite au pape récemment, Sarkozy fait de la politique par l’image, essentiellement, le principal étant non pas d’intervenir sur la réalité des problèmes mais sur la perception que les français en ont… Son conseiller Laurent Solly avait déjà théorisé ce point dans une célèbre formule rapportée par Yasmina Réza et reprise sur sa fiche Wikipédia : “La réalité n’a aucune importance, il n’y a que la perception qui compte”. Précisions au passage que ce profond penseur est à la direction de TF1 où il peut chaque jour contribuer à mettre en pratique son aphorisme préféré.

Dans cette perspective réjouissante, le story telling ou l’art de produire du récit, c’est-à-dire de donner une certaine image de… est un horizon indépassable… et la finalité de toute action politique s’apparente à celle d’une démarche de branding ciblée (persécution des Roms, visite au Vatican)… Dans le même temps, puisqu’elle est la seule réalité sur laquelle peut agir le pouvoir (les chiffres sont ici a considérer eux aussi comme une sorte d’image, une représentation de la réalité), l’image se dote d’une aura particulière. La distinction entre la chose et sa représentation, l’idée qu’il puisse y avoir un hiatus entre les deux, semble faire défaut à Nicolas Sarkozy (qui a lui-même épousé une image), ainsi qu’à son entourage proche, ceux qu’on peut qualifier de sarkozystes. Poursuites judiciaires contre une poupée de chiffon, lutte contre la retouche pour préserver une pureté photographique, maîtrise scientifique de la taille des ouvriers rencontrés par le président dans ses déplacements, sorties diverses et variées pour la photo, représentation de la France en Disneyland constitué d’images américaines… On voit bien que le pouvoir en place tourne un film auquel il s’évertue à faire croire plus qu’il ne gouverne un pays dont la réalité vécue s’écarte de plus en plus des images ou trop violentes ou trop roses qu’on lui sert au vingt heures pour lui faire percevoir ce que l’on veut.

Ainsi donc, ici, Fillon devenant trop indépendant, Fillon devenant trop menaçant au sein de l’UMP, devant la radicalisation de la contestation de la réforme qui doit redorer le blason réformateur du président, Fillon est envoyé au front, sur des affiches, en retraité heureux et surtout encore bien vert ! L’homme réel échappe encore à la vindicte populaire et ne semble pas prompt à soutenir une réforme qui pourrait bien constituer le tombeau politique de Sarkozy, ce n’est pas grave ! Envoyons son image !

Et Paris-Match, dont la Une avait jadis blessé le président, lui  fait ce petit cadeau ; envoyer son désormais rival au front, dans les rues, sous l’oeil énervé des manifestants… Reste à voir ce que ces Unes deviendront pendant les prochaines manifestations… et comment le peuple se saisira de ces effigies que lui offrent les amis du président.

Olivier Beuvelet

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Le bric a brac de RIC ET RAC : blog humoristique et parodique constitué de dessins de presse et de billets d'humeur.